J’ai écrit cet été un article sur les cigarières de chez Bastos.

Je ne connaissais pas encore celles de Buñoz racontées par Claude de Fréminville.

« Chapitre 1 – 

La vie de J.-P. Buñoz avait commencé à prendre une certaine valeur et à perdre son sens le jour où, succédant à son père, il avait installé un système de pointage automatique à l’entrée des ateliers.

De ce fait, lui, Jean-Paul Buñoz, Buñoz jeune, marquait son emprise sur les manufactures de cigares et de cigarettes Buñoz, les plus grandes d’Oran et de l’Algérie elle-même. »

Mais le plus drôle, c’est la page juste en face :

« Les personnages de ce roman sont purement imaginaires et toute ressemblance avec des êtres humains vivants ou morts ne pourrait être que fortuite. »

Le Copyright date de 1946. Apparemment, on commence à se détendre à Paris.

L’éditeur est Edmond Charlot, dont je parlerai peut-être dans un autre article mais rien n’est moins sûr, parce que sa vie se trouve à Alger. Avant la seconde guerre. Et un peu plus tard aussi.

C’est un grand éditeur.

Il publie donc Claude (de la Poix) de Fréminville, né à Perpignan dans les années 1910, et qui a passé sa jeunesse à Oran, avant de rejoindre Camus en classe d’hypokhâgne à Alger au cours de l’année scolaire 1932-1933, pour enfin terminer ses études universitaires à Paris.

Claude de Fréminville (Claude Terrien après la guerre – enterré sous ce nom au cimetière du Père Lachaise à Paris en 1966 – Pour davantage de détail, voir la page que lui consacre Pierre-Michel Simonin sur son site)

Quel étrange parcours.

Il a passé les années 20 à Oran, et raconte dans son roman Buñoz, l’histoire de Juan Bastos.

Il a cependant beaucoup trop de talent pour faire ça de manière classique, et l’histoire est entrecoupée de « documents » numérotés, à chaque fin de chapitre.

Mais ce sont de faux documents ; des remarques personnelles plutôt, parfois dans le style guide touristique (climat le plus doux de l’Algérie. Température d’hiver 13° à 15°. Moyenne d’été : 20°. Au fond d’un golfe tiède abrité des vents par le Djebel Mdjardjo (Santa-Cruz), couvert de magnifiques forêts), d’autres fois sous forme de conseils.

J’ai gardé volontairement l’orthographe éronée de Mdjardjo. Je la trouve suffisamment étonnante pour ne pas souhaiter la déranger.

Tout est axé sur la personnalité complexe de Juan Bastos (ou Jean-Paul Buñoz, au choix).

« On a souligné la très rare présence dans la littérature espagnole de cette immigration espagnole. Un des rares romans qui en parle de passage est Fleur de Mai du valencien qui eut son heure de gloire, Vicente Blasco-Ibanez (1895, traduction française 1924) ; il relate les trafics de bateaux de pêche entre Alger et Valence, où apparaît de loin Oran, « la côte d’en face ».

Les accusations de trafic de tabac entre Valence et Oran sont rituelles ; on sait que l’industrie du tabac est à l’origine de la fortune en Algérie d’un Espagnol, Bastos ; c’est le thème du roman Bunoz de Claude de Freminville, qui se situe dans les bas quartiers d’Oran. » (Pierre Rivas – Images de l’immigration espagnole en Oranie et trajectoire d’E. Roblès : racines hispaniques et enracinement oranaisdocument pdf)

Ce sont des livres qu’il faut trouver parce qu’ils racontent Oran d’une manière rare.

Claude de Fréminville dans Buñoz :

« C’est un spectacle curieux que d’assister à la sortie des cigarières. Le touriste surpris par la beauté piquante des jeunes ouvrières ne pourra s’empêcher de penser à la Carmen de Mérimée, et la musique de Bizet viendra naturellement à ses lèvres.

Malheur à lui s’il n’adresse pas quelques remarques flatteuses et ironiques à la fois à celles qui passeront près de lui ! s’il se tait  elles se moqueront de lui et, dérouté par des mots d’esprit auxquels il ne s’attendait… »

A lire d’urgence.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

Articles recommandés

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *