Edgard Attias a écrit un livre juste fantastique.
J’adore l’ouvrir à n’importe quelle page.
Je m’installe sur mon canapé, je ferme les yeux, je prends le livre dans mes mains, je lui caresse la couverture puis je l’ouvre au hasard. Quand je suis fatigué, le soir, c’est vraiment un moment de détente incomparable.
Je tombe toujours sur de l’inattendu.
Là, il est 23h, je n’en peux plus et j’ai encore un article à extraire de mes cellules grises. J’appelle Edgard à la rescousse et le voilà qui accoure. En guise de bonne nuit, ce joyau.
Extrait, c’est l’année 1947 :
« Le 14 août, plusieurs pêcheurs à la ligne ont aperçu, à différentes reprises, une espèce de monstre marin, nageant entre deux eaux, dans le bassin du port faisant face au parc à primeurs.
L’animal, d’une longueur qui approche deux mètres, apparaît surtout à la nuit tombante, et il passe la nuit, parait-il dans l’angle formé par les quais où est située une bouche d’égout ».
Si je ne m’étais pas juré d’écrire 350 mots, j’arrêterais là.
Ces deux longues phrases fort peu adaptées aux exigences d’une lecture Google toute rabougrie sont des merveilles de la nature. Elles se suffisent à elles-mêmes.
Mais voilà, je ne suis qu’à 210 mots.
Donc je vais me poser quelques questions jusqu’aux 350 mots. Et pour commencer celle-ci : quelqu’un peut-il me dire où se trouve (se trouvait ?) le parc à primeurs ? Quelqu’un peut-il même m’expliquer ce qu’est au juste un « parc à primeurs » ?
Le primeur, je vois. C’est le marchand de fruits et légumes. Ça peut même être pas mal d’autres choses comme un endroit qui a la primeur (servi en premier) ou un « vin qui peut être consommé dès la fin de la vinification ». Il y avait du vin dans le coin, celui de Sénéclauze, si je ne m’abuse, viticulteur à Saint-Eugène. Et plus loin, du Mascara.
Y a-t-il un rapport ? Je doute.
Autre question de géographie portuaire : quel est donc cet « angle formé par les quais où est située une bouche d’égout » ? Où se trouve-t-on au juste ?
Si quelqu’un peut me renseigner sur les habitudes de la bête, ce ne serait pas du luxe. Un monstre marin est si vite arrivé.
J’allais oublier l’essentiel, le livre d’Edgard Attias s’appelle « Oran de tous les jours : 1830-1962″. Il reprend de nombreux articles de « l’Echo d’Oran » et plus occasionnellement de « Oran Républicain ».
Nulle trace d’Ego chez Edgard. L’homme s’efface devant les faits reportés par des journaux qui n’ont pas peur de raconter l’inracontable. C’est une mine d’or.
Si seulement tous les egos du monde pouvaient en faire autant.
Merci pour tout Edgard.
Je pars me coucher.
437 mots.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?).
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PS : Une petite vidéo ci-dessous en lien avec les commentaires de René qui nous a donné le fin mot de l’histoire…