Lorsque je suis allé à la rencontre de Toufik à Paris, fin juin, j’ai reçu un dvd accompagné de quelques paroles : c’est un film réalisé par Pierre Machot, un pied-noir qui fait retour à Oran. Il filme la ville et s’entretient avec certaines personnes.
Tu écouteras les paroles de Kouider Metaïr à la fin. C’est important.
Le film est sorti en novembre 2005 et se termine sur des images familiales d’époque, en couleur, assez belles, comme toutes les images familiales, sur lesquelles vient se superposer un texte lu par une voix féminine.
A noter qu’avant la lecture proprement dite se trouve un écran noir sur lequel est écrit en lettres blanches : « Hommage à toutes les générations (quelle que soit leur ascendance), d’hommes et de femmes oranais, qui servirent leur cité avec amour, foi et fierté »
Lecture du texte.
« Où êtes-vous, tous ceux que j’ai aimés, qui formez ma chère famille ? Quand tout enfant parmi vous, à la vie, je souriais ?
Où êtes-vous dans mes souvenirs qui s’éparpillent ? Dans mes rêves, vous revenez si souvent. Je marche à tes côtés dans les vignes dorées, toi mon grand-père, qui savait m’écouter malgré ta surdité. Tu m’entendais pourtant. Je te revois aux côtés de grand-mère, silhouette fragile, courbée par le temps. Comme je vous aimais tous les deux, mes très chers. Je ne pouvais souhaiter de meilleurs grands-parents. A mon cœur, vous demeurez ce que j’ai eu de plus précieux. Au milieu de vous deux, j’ai grandi dans ce cher pays.
Où êtes-vous mon village, mes dix ans ? Sous quels cieux ? Je vous pense chaque jour. Mais mes larmes sont taries. En quittant cette terre, nos racines ont péri. Et tous ceux que j’aimais, qui étaient MA famille [Le MA est appuyé sur l’image d’une algérienne dans la maison familiale], m’ont quitté eux aussi, ont déserté ma vie. Mon pauvre père les a suivis. « C’est la vie » m’a-t-on dit.
Alors, de ma famille si chère, il ne me reste plus que des souvenirs roses et bleus que j’emporte comme bagage, des images du pays que je ne reverrai plus, des chansonnettes douces qui berçaient mon jeune âge.
Il y a longtemps. »
Les images et le texte, soudain très nostalgiques, contrastent avec le film plutôt classique. La caméra se déplace dans les rues sur des commentaires qui exposent les principaux éléments de la ville moderne, parfois accompagnés de photos d’époque.
Aucune trace de nostalgie.
Et de temps en temps des entretiens, soit avec des pieds-noirs, soit avec des Algériens.
C’est comme ça que je tombe finalement sur les paroles de Kouider Metaïr, président de l’association Bel Horizon de Santa-Cruz.
« A Oran, il y a un patrimoine pluriel, un patrimoine partagé avec des pays voisins de la Méditerranée, notamment l’Espagne et la France.
Il est donc intéressant de réhabiliter ce patrimoine partagé et de jeter des passerelles pour sa sauvegarde, parce que c’est un travail sur la mémoire qui peut intéresser tous les peuples de la région, et qui peut être un élément de rapprochement.
Le but exact, c’est la sauvegarde et la réhabilitation du patrimoine historique oranais.
Avec la France, nous avons un passé douloureux, mais un riche patrimoine à partager, et donc le travail sur la mémoire se fera fatalement des deux côtés de la Méditerranée.
Nous devons joindre nos efforts pour aller vers la fabrication de cette mémoire qui permettra un rapprochement des peuples, des jeunes, et des associations des deux rives »
Paroles qui plairont à certains et déplairont à d’autres. C’est ainsi.
Merci à tous ceux qui ont participé au film.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)
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