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Le problème fondamental d’un blog est que les articles se succèdent à l’infini et terminent noyés dans la masse.
Seuls surnagent les derniers textes, et parfois quelques autres, les plus partagés sur Facebook, par exemple. Mais ce ne sont pas forcément les plus intéressants. Il y a longtemps que ceux qui m’intéressent le plus (et qui évoquent les problèmes de transmission entre les parents et les enfants au sein des familles pieds-noirs) sont passés à la trappe.
C’est en grande partie pour cette raison que j’ai décidé de réorganiser le blog. Je ne pouvais plus me résoudre à ce triste état de fait.
Memoblog avait pour vocation originelle d’être une plateforme d’échange entre les enfants de pieds-noirs et leurs parents, j’ai rencontré avec plaisir beaucoup de pieds-noirs et d’Algériens, mais aucun enfant de pieds-noirs n’est jamais venu, ou presque. Je dois pouvoir les compter sur les doigts d’une main. Il y a des dizaines de raisons à cette absence, la principale étant probablement que je n’ai pas su les intéresser à une histoire passionnante, celle de leurs ancêtres nés à Oran.
D’un autre côté, il faut bien que je me rappelle que j’ai mis 40 ans à chercher « Oran » dans une encyclopédie, et là est peut-être le nœud de l’affaire.
Depuis sa création en avril 2012, Memoblog a accumulé plus de 270 articles sur des sujets très différents, et tenté d’accéder à quelque chose de l’Algérie Française à Oran. Si je commence à avoir une petite idée de la chose aujourd’hui, je ne suis pas sûr que le format du blog permette de s’y retrouver, ni surtout d’être utilisé comme support entre deux générations qui voudraient communiquer autour d’un passé.
Et puis il y a le contexte.
Memoblog a toutes les apparences d’un site nostalgique, même s’il ne peut l’être, puisque je suis né en 1969. Comment pourrais-je éprouver la moindre nostalgie pour ce que je n’ai pas connu ? Les psychologues seraient capables de me sortir une réponse de derrière les fagots, aussi vais-je prendre les devants et préciser que la nostalgie n’est pas dans ma nature, que je ne regarde jamais le passé pour le refaire ou le regretter, mais seulement pour mieux comprendre le présent, mon présent.
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Je ne suis pas dupe toutefois. Si par le plus grand des hasards, ce blog sortait un jour du microcosme pieds-noirs (ou de celui des Algériens partis à la recherche de leur histoire) dans lequel il s’inscrit pour l’instant, je sais qu’il serait immédiatement confondu avec un « site nostalgique de l’Algérie française » (expression fourre-tout et méprisante qui recouvre des réalités bien plus diverses et subtiles que le qualificatif de « nostalgique ») là où il s’agit manifestement d’un site d’enfant de pieds-noirs affecté dans son psychisme par l’exode de toute une famille.
Les pieds-noirs eux-mêmes, tout à leur souffrance, ne voient pas qu’il s’agit d’un site d’enfant de pieds-noirs en exil. Ils imaginent un dévouement nostalgique, une vie par procuration, le plaisir de la découverte. Jamais les répercussions logiques, chez un descendant, de l’exode massif de près d’un million de pieds-noirs. Mais je ne leur en veux pas, je sais que les deux souffrances sont incomparables, je n’ai pas grandi dans une ville en guerre.
Mais j’ai la certitude d’avoir perdu une terre. Et là est la vraie surprise de Memoblog.
Comment est-ce possible, je ne sais pas, mais j’ai perdu une terre.
La terre rouge d’el-Hamri.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?).