Les Editions Bel Horizon ont publié deux livres sur Oran.
Deux livres qui à priori se ressemblent, qui pourraient même être pour l’une la réédition de l’autre, mais ce n’est pas le cas.
Le premier que j’ai reçu est en fait le second, dans l’ordre des publications. J’ai mis du temps à intégrer cette donnée.
Et pourtant, ce n’est pas très compliqué, il suffit de regarder les couvertures.
Si elles sont faites correctement, les couvertures parlent toujours d’elles-mêmes.
On est dans la même logique qu’hier, lorsque j’abordais le cas du guide d’Oran, version Bel Horizon. Soit on fait un guide pour la ville, soit on fait un guide pour les touristes.
Dans le cas du livre plus général sur Oran, Kouider Metaïr a d’abord réalisé un ouvrage dans la lignée des « Beaux livres » qu’on connait tous sur telle ou telle région du monde.
Je travestis un peu la réalité, ce n’est pas tout à fait vrai.
Les textes à l’intérieur cherchent déjà à retrouver une diversité de voix qui fait l’originalité du livre. Mais on sent malgré tout que l’auteur s’est freiné au moment de mettre en page la première édition pour se plier à certains poncifs d’Oran, comme la vue générale de la ville depuis Santa-Cruz.
Tous les autres contributeurs sont aussi présents sur la couverture, en-dessous du nom de Kouider Metaïr qui n’est que le premier de la liste, mais dans la même police de caractères.
Kouider Metaïr n’a pas encore suffisamment d’ego pour accepter d’éclipser ses acolytes sans en éprouver une certaine culpabilité ; c’était il y a dix ans, peut-être n’avait-il pas non plus la force d’assumer seul la défense du patrimoine de sa ville.
En 2004, le second ouvrage est sans ambigüité.
Oran n’est plus « face à sa mémoire », Oran est « la mémoire ». La différence est essentielle. Oran n’est plus séparé, Oran a fusionné.
De même, la couverture a changé. Oran n’est plus extérieure à elle-même, observée depuis Santa-Cruz ; Oran est intérieure, regardée depuis le minaret octogonal de la Mosquée du Pacha, avec en fond de toile, Santa-Cruz. On est au cœur de la ville, cette fois-ci, au cœur de la mémoire.
Kouider Metaïr assume son livre (il n’y a plus que lui en couverture) et la mémoire d’Oran.
Je ne suis pas sûr que le changement d’orientation ait plu à tout le monde. Mais je respecte la démarche. Peu de personnes savent imposer leur regard pour incarner une idée qui ne prendra pas corps, sinon.
Peu de personnes savent faire descendre du ciel leur conception du monde dans la réalité pour la mêler aux choses d’ici-bas et infliger à chaque pensée l’épreuve du feu.
Kouider Metaïr l’a fait.
Chapeau bas.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)
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NB1 : Pour arriver à réactiver un vieux projet de 1912, il faut quand même posséder une certaine volonté, et être capable de l’imposer. Double-chapeau, donc.
NB2 : commander le livre de Kouider Metair sur Oran.