Je suis toujours en éveil lorsqu’un Français retourne à Oran.
J’ai découvert aujourd’hui un reportage très intéressant qui devrait bientôt sortir.
« Algérie, la dernière génération » ou la mémoire de la génération d’après » de Evelyne Jousset Garcia.
[…] Evelyne Jousset Garcia est l’une d’entre eux, un jour elle décide de faire le voyage d’Oran. Comme eux, elle retrouvera le décor des odeurs de son enfance, le bruit des jeux, la parole de ses aînés. Sans les oripeaux de la nostalgie toute coloniale, son regard est juste, posé, subtil. »
Cette dernière phrase est terrible mais je suis d’accord à 100%.
C’est très exactement la question que je me suis posée (à toute petite échelle) en construisant ce blog : comment offrir un regard juste, posé et subtil ?
Subtil, il suffit de s’en remettre à Dieu. S’il le veut, je serai subtil, sinon tant pis.
Posé, c’était très important pour moi. Je devais être très très très posé (ce qui n’est pas forcément dans ma nature quand le sujet est sensible) parce que les relations France-Algérie sont très tendues, même 50 ans après. On marche toujours sur des oeufs, quoiqu’on dise.
Juste, c’est le plus dur. Trouver la bonne tonalité, celle qui ne sonne pas faux : ni modeste, ni margoulin, ni comique, ni naïf, ni moralisateur, etc. On se plante malgré tout plus d’une fois. C’est la vie.
La justesse, c’est toujours ce que je regarde, dans un livre, un film, ou un tableau.
Cela ressemble-t-il à la vie ? Cela est-il aussi compliqué, nuancé, ambiguë, que la vie ? Ou bien se trouve-t-on dans l’emphase, les grandes paroles, les leçons, les vérités univoques, les gentils et les méchants ? Auquel cas, ça ne m’intéresse pas.
Evelyne Jousset Garcia tente la sobriété. Il n’y a qu’un seul terme qui me dérange dans la phrase « sans les oripeaux de la nostalgie toute coloniale, son regard est juste, posé, subtil. » c’est « colonial ». Parce que les oripeaux de la nostalgie n’ont pas besoin du colonial pour être nocif. Le qualificatif est inutile.
La nostalgie est par essence nocive. Elle est le poison.
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« Ils sont la dernière génération, trop jeunes pour avoir à choisir leur camp, trop vieux pour oublier le passé .
Ces enfants des années 50 rapatriés dans les valises de leurs parents se posent des questions simples comme ceux ballottés par le vent trop fort de l’Histoire : « 50 ans après que sommes-nous devenus ? Qui sommes nous ? D’où sommes nous ? Est-ce que la brisure de l’enfance nous a changé à jamais ? Quel regard jeter sur ce passé ? Et sur le présent ? » (Présentation de France3).
C’est un film que je soutiens parce qu’il est emblématique de la force du témoignage lorsque celui-ci ne cherche pas à appuyer une idéologie.
Bien souvent, la parole est entourée d’une forme plus ou moins réussie, et tout le monde admire la mise en scène, les effets de colorisation, les vieilles photos, les fumées spectaculaires, les mouvements de foule, que sais-je.
Or la parole seule suffit.
Le reste est oripeau.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)
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