Place Kleber à Oran (trouvé sur le site « Les peintures de Claude »)

Je sais maintenant qu’il y avait aussi chez mon grand-père maternel, en face de la photo de la cathédrale, une peinture de la Place Kleber.

Je revois très bien les trois palmiers. Et je sais qu’il s’agit de la Place Kleber. Je ne peux pas me tromper.

Je me rappelle peu de choses si ce n’est que ce tableau n’avait pas été peint par mon grand-père qui n’était pas peintre mais sculpteur sur bois, à ses heures. Il l’avait été par l’un de ses amis que je ne connais pas.

Quelqu’un de la famille a du le récupérer lors de sa mort.

Sa tonalité générale m’a marqué : ce sont des tons vert pomme, jaune et orange.

Je ne sais pas du tout si ces couleurs correspondent à une réalité à Oran mais il se dégageait de ce tableau beaucoup de douceur, d’apaisement, de lumière aussi. Un après-midi de plein soleil à l’ombre des palmiers. Je crois que la place était déserte.

En écrivant plus haut « Quelqu’un de la famille a du le récupérer lors de sa mort, en 1999 », je me suis rappelé qu’il existait encore des gens -dont je me suis beaucoup éloigné pour des tas de raisons- qui avaient connu à la fois Oran et mon grand-père.

Le tableau retrouvé

Je comprends aussi que je fuis toujours ces gens-là.

Mais plus pour longtemps.

Bientôt, j’irai taper aux portes des uns et des autres et je récupèrerai leurs témoignages parce qu’il y a des mémoires enfouies que je me dois de ramener à la surface. C’est comme ça.

Des mémoires que je n’ai pas su voir lorsque j’étais enfant mais qui sont là, sous mon nez -ou du moins qui l’étaient- et devant lesquelles j’ai profondément manqué de curiosité.

Tout le monde est éparpillé un peu partout en France.

Il y a la famille éloignée que je connais un peu et avec laquelle les rapports n’ont pas toujours été sereins ; il y a des gens dont je ne connaissais pas l’existence avant que mon père n’en parle et qui se promènent forcément quelque part ;

il y a aussi deux amies d’enfance de ma mère avec qui elle s’est fâchée, parce que dans le monde pieds-noirs que j’ai connu, il est de bon ton de se fâcher pour toujours et de recommencer le plus souvent possible.

Le tableau de la Place Kleber est emblématique : toujours vivant, mais où ?

Perdu dans les dédales des couloirs familiaux et accroché au mur à côté d’une reproduction de Matisse, c’est-à-dire partout sauf à sa place à côté du tableau de la cathédrale, lui aussi perdu dans le grand labyrinthe des oncles et des neveux.

Je partirai bientôt à la recherche de ce monde errant.

 

Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)



 

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