Aujourd’hui, j’ai décidé de m’amuser.
Je participe à un atelier d’écriture en ligne depuis début mars et je dois rendre un texte tous les quinze jours. Ce n’est pas évident, d’autant plus qu’il faut que j’en écrive un tous les jours ici.
La dernière fois, j’ai séché la séance en ligne, j’ai dit à la personne qui gère le groupe que je n’avais pas eu le temps. Et c’est vrai.
Mais deux fois de suite, je ne pouvais pas. Ce soir, je devais partir dans de l’imaginaire total.
Donc j’ai fait un texte qui m’amuse et que je vais un peu adapter à Oran. Une œuvre de fiction. Je sens que ça va reposer tout le monde.
Attention, il faut avoir l’esprit ouvert.
C’est bizarre.
***
Je vois parfois des mouettes qui volent sur les parvis d’église. C’est rare mais ça existe. Je vois des hommes qui prennent des mouettes et les embarquent dans leurs sacoches pour les donner à Karguentah.
Le marché de Karguentah est bien connu des philatélistes car sur les timbres des années 50, on voit des arquebuses qui flottent sur les clochers. Il arrive que certaines d’entre elles tombent au sol et s’éparpillent en éclats de verre.
Dans ce cas-là, bien sûr, les hommes ne peuvent rien faire. Une fois, l’un d’entre eux s’est approché. Les éclats se sont reconstitués et l’arquebuse s’est envolée vers la Montagne des Lions.
Le lendemain, le rédacteur en chef de l’Echo d’Oran expliquait à ses lecteurs dans un éditorial mémorable que la lumière arrivait de Mers El Kebir. Et que dans ces conditions, l’arquebuse ne volerait pas plus loin qu’Arzew. Le fait est qu’on la retrouva le lendemain derrière le kiosque de la République. Une mouette l’avait trahie.
Si l’on considère maintenant les arquebuses et les mouettes sous un angle purement formel, on pourra relever la présence d’éléments contradictoires :
- Les arquebuses possèdent deux « u »
- Les mouettes n’en possèdent qu’un.
A ces mots, les mouettes furent tellement choquées qu’elles décidèrent de passer la frontière marocaine. Personnellement, je n’avais jamais vu ça. Il faudra demander ce qu’il en pense au rédacteur en chef qui vit dans le cabanon des Andalouses depuis longtemps.
Je crois que le fait de se tenir droit un quart d’heure tous les jours permet à l’énergie de mieux circuler le long de la colonne vertébrale. C’est ce que dit le rédacteur en chef. C’est pour ça qu’il écrit si bien. D’ailleurs, quand elles ont lu l’article d’hier, les mouettes sont revenues.
Mais les arquebuses qui connaissent bien les mouettes savaient de toute façon qu’elles reviendraient. Dans le Grand Livre que les Anciens consultent un fois par an, il est déjà fait référence à des retours de mouettes. En 1653, par exemple, les mouettes sont parties trois jours en Espagne. Lorsqu’elles sont revenues, elles n’avaient plus de plumes. Les arquebuses en rigolent encore.
Mais soyons équitables, rappelle le rédacteur en chef dans son éditorial mémorable : à la belle saison, les arquebuses ne font plus les malignes. Ah bon ? (dis-je naïvement – je ne suis pas là depuis longtemps, c’est pour ça – Je suis de Bordeaux). Oui Sahbi, me dit le rédacteur en chef, elles fondent au soleil. Mon Dieu, mais c’est horrible !!
En fait, ce qui se passe, c’est que les oranais prennent chacun un saladier et déposent les arquebuses à l’intérieur. Lorsque la Waada arrive, le soleil frappe fort sur les arquebuses qui fondent alors comme neige au soleil. Les habitants rentrent chez eux et gardent le jus pour les mariages.
Je demande au rédacteur en chef si par hasard il ne serait pas en train de se moquer de moi. Il le prend mal.
Je décide de rentrer chez moi. Mon cabanon n’est pas loin.
Ce soir, les mouettes ont aussi fondu dans leur saladier parce qu’on était le 26 août. Apparemment, c’est leur date. Le point positif, c’est qu’il n’y a plus de bruit dehors.
On entend le clapotis des vagues.
C’est beau.
Paul Souleyre (mais qui est Paul Souleyre ?)